Vol. 18 No 2 (2024): Littérarisation des patrimoines
Édité par Mathilde Labbé et Marcela Scibiorska
Instituée en patrimoine national en France dès le XIXe siècle, la littérature s’est vu conférer, de ce fait, la capacité de patrimonialiser à son tour d’autres objets. Elle est à ce titre souvent mobilisée pour la légitimation et la mise en valeur d’œuvres, de lieux, de discours, de pratiques ou de personnes. Citations, figurations, évocations : les œuvres littéraires circulent ainsi en dehors du champ dont elles sont issues en portant avec elles des valeurs, des imaginaires et des connotations réinvestis dans les objets qui les actualisent. C’est en général sur leur capital symbolique, plutôt que sur leur fonction critique, que reposent les opérations de sélection, mais aussi de conservation, de médiation ou de transmission qui concourent à ce processus de patrimonialisation. Comment comprendre cependant les transferts de valeurs fondant ces échanges lorsque la littérature est mobilisée pour la défense d’objets relevant d’un patrimoine constitué ou en constitution, et donc d’une économie des singularités ? Au-delà des dynamiques de légitimation, ce dossier vise à explorer les implications économiques, émotionnelles, communicationnelles et politiques d’une mobilisation de la littérature dans l’espace du livre d’art, du musée, du monument ou du parc naturel. Il s’agit d’analyser l’articulation ou le continuum des relations d’exposition, de valorisation et d’instrumentalisation entre littérature et patrimoines, en se demandant s’il est possible d’en repérer des caractéristiques structurelles. Le dossier envisage ainsi la façon dont ces mobilisations redéfinissent les fonctions de la littérature et contribuent in fine à l’inflation patrimoniale, notamment par le développement d’un tourisme littéraire aux multiples facettes, qui se décline aussi bien dans les expositions et leurs catalogues qu’autour des monuments nationaux, dans les hôtels de luxe ou les randonnées culturelles.